COVID-19 et anthropo­sophie

En tout premier lieu, nous relayons avec insistance les consignes sanitaires émanant des autorités, que chacun peut retrouver suivant ce lien.

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Dès les premières manifestations de cette crise désormais à l’échelle mondiale, de nombreuses questions se sont manifestées sur ce phénomène. Nous sommes devant une énigme profonde, dont chacun peut faire une expérience très particulière : elle impacte non seulement la santé, mais elle suscite un geste d’éveil. Peu importe notre situation personnelle, ni même que nous ou nos proches soyons victimes de cette maladie, chacun est individuellement interpellé dans son propre cadre de vie et dans ses réflexions. Les changements s’imposent tout d’abord sur nos comportements personnels et collectifs. Mais à l’heure actuelle, au milieu de ces océans d’incertitudes, une chose et une seule fait consensus, indépendamment des points de vue : un regard nouveau doit se développer à l’échelle de notre civilisation. La crise comporte de multiples aspects, mais elle est avant tout systémique.

Face à ces énigmes, en tant qu’être pensant, nous éprouvons le besoin de saisir en pleine lumière des éléments de compréhension. Il est dès lors possible de se mettre en exploration des hypothèses les plus variées à partir desquelles travaillent les uns et les autres, selon leurs approches, leurs bagages, leurs convictions – rarement leurs certitudes.

De nombreuses réflexions sont actuellement mises en partage sur les réseaux sociaux. Mais comment exercer à partir de là nos facultés de discernement ?

L’anthroposophie en tant que chemin de connaissance est une voie visant à développer avant tout une compréhension personnelle. Toute spéculation, toute théorie « hors-sol » de l’expérience individuelle devra être considérée avec circonspection et mise à l’épreuve du bon sens.

On rappellera que cette notion du bon sens, la saine raison humaine, Steiner en a fait l’objet d’une considération fondamentale*. Il mentionne qu’une conséquence de l’émancipation du lien avec le monde naturel, nous amène à perdre progressivement ce bon sens inné, et qu’il faut donc le reconquérir consciemment, par un travail personnel. Nos idées doivent, dans la perspective que propose l’anthroposophie, être mises à l’épreuve de notre propre expérience. La difficulté à laquelle chacun de nous est confronté est que cette instance, en notre for intérieur, peut très vite se comporter comme un miroir déformant. Nos convictions, notre jugement, et même nos observations, peuvent être corrompus par des chimères générées par nous-mêmes. Il est ô combien légitime de s’inquiéter pour nous et pour nos proches, nul n’échappe actuellement au sentiment oppressant des contraintes qui s’imposent dans notre vie sociale. Mais pour exercer un jugement sain, base de réels éléments de connaissance, nous devons commencer par nous affranchir nous-même de ce fond d’atmosphère anxiogène ancré en soi.

On retrouve ici le parti-pris de ce qu’on désigne comme « science de l’esprit d’orientation anthroposophique » : prolonger la démarche scientifique, telle qu’elle s’exerce dans un laboratoire des sciences de la nature. Dans le laboratoire, le scientifique s’efforce de rester neutre, observateur de son expérience. On connaît les limites de cette posture, mais il n’est pas lieu ici d’en développer la critique. Retenons seulement comme corollaire que dans notre laboratoire intérieur, chaque aspirant à la connaissance doit se comporter avec cette même prévention envers ses propres dispositions d’âme.

Bien souvent, ces derniers temps, nous avons pu entendre l’intérêt de personnes qui s’interrogent : « Quel est l’éclairage de l’anthroposophie sur cette situation ? »

Il est vrai que Steiner a livré au fil de ses 6000 conférences beaucoup de résultats de ses propres recherches. Mais il demandait expressément à ses auditeurs d’entendre ses propositions dans l’état provisoire où il les confiait, ce qui se confirme par les nombreuses variations, au fil de son travail, de ce qu’il a pu dire sur différents objets de ses recherches en cours.

« Le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt. » Proverbe chinois.

De ce fait, toute appropriation excessive de ce qui fut dit en son temps est susceptible de nous leurrer. Si l’anthroposophie se résumait à cela, elle serait simplement un dogme. Si Rudolf Steiner avait déjà tout dit sur ce que nous vivons ou devons vivre, il aurait été seulement un gourou ou un illuminé. Il est effectivement très facile, et même possible, d’utiliser une doctrine anthroposophique ou un Steiner omniscient pour concocter des tissus de certitudes préétablies. C’est de cette manière qu’on peut fabriquer, à partir des meilleures intentions, une spiritualité fallacieuse.

Or, il est non seulement possible, mais aussi précieux, et désormais indispensable, que l’anthroposophie soit considérée comme un champ d’exercice personnel, à partir de bases méthodologiques explicites. Partant, que les recherches se partagent en groupes dans un esprit d’exigence, de présence aux autres, d’esprit critique.

Soulignons encore que du point de vue médical et sanitaire, les conseils et préconisations s’appuyant sur une prévention ou un traitement homéopathique ou des préparations d’inspiration anthroposophiques sont complémentaires ; elles n’ont aucunement la prétention de se substituer aux traitements proposés par la médecine conventionnelle.

Afin d’éclairer nos lecteurs, nous nous proposons dans les jours qui viennent de mentionner ici quelques outils méthodologiques propres à la démarche anthroposophique.

* Sur la question du bon sens, cf Rudolf Steiner, Leçons ésotériques de la 1ère classe, Editions anthroposophiques romandes, 2006, 10e leçon, et Jörgen Smit, Cheminement intérieur et pratique de la vie, Les Trois Arches, 1989

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