Chartres 2024 : Stimuler une pensée spirituelle dans un monde en crise
La rencontre annuelle publique de la Société anthroposophique en France s’est tenue à Chartres, du 8 au 10 mars 2024. Elle a révélé une société vivante, porteuse de la vision d’une Université libre du futur.
« Cheminer dans le labyrinthe de notre temps » : c’est le thème que le petit groupe mandaté pour l’organisation avait choisi. Dans une salle bien remplie, cent-quarante personnes ont participé à cet événement placé sous le signe de la co-créativité, une rencontre ponctuée de conférences, d’ateliers, d’échanges, d’expériences artistiques et de moments de jeu. Les organisateurs ont conçu un programme souple et ouvert, laissant place à l’improvisation et à la spontanéité, afin que des initiatives puissent trouver leur place.
Formats de l’expérience de la pensée
Le thème de la « pensée » fut l’un des éléments centraux de la rencontre, avec, en introduction, un retour à la pensée de Saint Paul et de l’École de Chartres. Ces visions du monde issues d’un mariage de la pensée antique et de l’impulsion chrétienne portent déjà les germes de la modernité, mais elles intègrent encore une dimension spirituelle. À travers elles, le lien entre conscience individuelle et vie spirituelle devient tangible. Retourner aux racines de ces philosophies constitue déjà, en soi, un exercice de pensée pure qui remet en question nos habitudes intellectuelles et ouvre de nouveaux espaces de perception.
Dans un deuxième temps, un petit groupe ayant longtemps travaillé sur la Philosophie de la liberté, l’ouvrage philosophique principal de Rudolf Steiner, a partagé un processus de penser méditatif permettant d’expérimenter le pont entre « pensée ordinaire » et « expérience de l’esprit ». Dans la mesure où l’anthroposophie veut être une science de l’esprit, la pensée y est le vecteur de l’expérience spirituelle. L’anthroposophie est en premier lieu un exercice de la pensée individuelle. Par une approche phénoménologique et contemplative, elle veut approfondir le regard sur le monde. Mise en mouvement et renforcée, elle veut stimuler le potentiel de liberté de chacun.
La présence aux choses
Différents ateliers se formèrent, dont des visites de la cathédrale sous la conduite de spécialistes. La soirée fut festive. Une carte de France rassembla les différents lieux de vie des participants : ils venaient de tout le pays et des pays avoisinants. Inspiré par la scène médiatique actuelle, souvent suspicieuse vis-à-vis de l’anthroposophie, un faux procès humoristique de la Société anthroposophique fut mis en scène dans une ambiance joviale. Un juge, un procureur et un avocat se renvoyaient la balle pour décider du sort de la malheureuse accusée !
Le dernier jour fut consacré à la vie pratique et aux visions d’avenir. Quelques personnes furent invitées à témoigner de l’apport de l’anthroposophie dans leur profession. Pour certains, l’exercice intérieur permet de développer une meilleure écoute et une meilleure attention à l’autre, pour d’autres, il s’agit de cultiver des forces positives et une paix intérieure permettant de surmonter les situations difficiles. De manière générale, l’anthroposophie apparaissait alors comme une culture de la présence aux choses, de la conscience, apportant un supplément d’humanité et de créativité dans les petites choses de la vie, comme dans les grandes.
Une vision d’avenir
La vision d’avenir fut nécessairement inspirée par l’École de Chartres : une Université libre de science de l’esprit participant à la vie culturelle par ses contributions et ses propositions visant à développer ce supplément d’âme et de créativité dans la société contemporaine. Les sections spécialisées, pédagogie, agriculture, arts, sciences, anthroposophie générale, permettraient de générer sans cesse de nouvelles perspectives et idées dans des domaines variés. Même si, en France, tout ce travail est encore à construire, cette vision d’avenir suscita enthousiasme et volonté d’agir.