Une science de la liberté

Les sciences de l’esprit sont donc éminemment des sciences de la liberté. L’idée de la liberté doit être leur centre et doit les dominer.
— Rudolf Steiner, 1886
Léonard de Vinci, L'homme de Vitruve, 1490.

Léonard de Vinci, L'homme de Vitruve, 1490.

Avec la philosophie des Lumières, la liberté est devenue l’essence-même de la nature humaine. La liberté n’est plus un attribut secondaire de l’être humain, elle est ce qui définit l’être humain. C’est sur cette reconnaissance que se base la civilisation moderne : construire une société au service de la liberté. L’anthroposophie s’inscrit pleinement dans cette philosophie de la liberté. Pour l’anthroposophie comme pour Hegel, l’esprit est la «liberté» elle-même, c’est pourquoi la connaissance de l’esprit est une science de la liberté. Elle veut approfondir cette connaissance de la nature humaine jusqu’au bout et comprendre comment la liberté est possible dans un monde physique, dans un corps biologique soumis aux lois de l’hérédité et à la mécanique du monde matériel. Une conception exclusivement matérialiste ne peut résoudre ce paradoxe entre la liberté humaine, l’esprit humain, et les lois naturelles biologiques et mécaniques.

Dans la pensée allemande du 19e siècle, l’anthroposophie est née face à ce paradoxe, pour répondre à la question : comment l’esprit libre et conscient de lui-même peut-il vivre et s’exprimer dans un corps physique et matériel ? L’être humain, avec son corps, a alors été reconnu comme le lieu par excellence où l’esprit (la liberté) rencontre la nature (le corps). L’anthroposophie est la science de cette interaction. En 1917, Rudolf Steiner formula un résultat central de cette recherche à travers la description de la tripartition psycho-corporelle de l’être humain dont voici l’esquisse :

  • Pensée (éveil) : système neuro-sensoriel

  • Sentiment (rêve) : Système rythmique

  • Volonté (inconscience) : Système métabolico-moteur

La construction de l’organisme humain, vu comme pure image de la pure identité, serait l’objet d’une science propre, qui n’existe pas encore, et qui devrait s’appeler «anthroposophie», quelque chose de tout différent de ce qu’on a jusqu’à ce jour appelé anthropologie.
— Schelling, 1804

Cette tripartition fonctionnelle permet de saisir les interactions entre le corps, la vie psychique et la conscience sur une base expérientielle. Elle a montré sa pertinence dans de nombreux domaines, en particulier en pédagogie. Saisir ainsi l’être humain permet de le considérer dans sa globalité et de mieux comprendre les rythmes de sa vie, de sa conscience et de son développement, mais surtout les interactions entre l’esprit, l’âme et le corps. Cette recherche a été étendue au cours des décennies dans les directions les plus diverses et continue à être approfondie. Il s’agit d’une anthropologie spirituelle qui ouvre vers une compréhension imagée de l’être humain, issue de la Naturphilosophie.

Bibliographie

  • Vogel L., L'Homme tripartite, Bases morphologiques d'anthropologie générale, Bâle, Triskel, 2012.

  • Fœssel M., L'Avenir de la liberté : Rousseau, Kant, Hegel, Paris, Presses universitaires de France, 2017.

  • Steiner R. & Letouzé T., Éthique et Liberté : Choix de textes, 1886-1900, Laboissière-en-Thelle, Triades, 2015.

  • Steiner R., La Philosophie de la liberté, Observation de l'âme conduites selon la méthode scientifique, Genève, Éditions anthroposophiques romandes, 1989.

  • von Plato B. & Defèche L., Le Courage de la liberté, Vivre l'anthroposophie aujourd'hui, Laboissière-en-Thelle, Triades, 2012.

  • Rohen JW, Lütjen-Drecoll E, Funktionelle Anatomie des Menschen: Lehrbuch der makroskopischen Anatomie nach funktionellen Gesichtspunkten, Stuttgart, Schattauer, 2005.

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