Langages et idées
Lorsqu’on s’intéresse à l’anthroposophie, on peut voir surgir une multitude d’idées parfois surprenantes. On peut éventuellement être choqué par certaines. Il est vrai que la tradition anthroposophique, comme la Naturphilosophie, puise ses concepts dans toutes les traditions et philosophies, remontant jusqu’à l’Antiquité. La manière de penser les phénomènes du monde n’est pas restreinte à un champ conceptuel particulier ou à un certain vocabulaire. Selon le domaine dont il est question, on peut être amené à utiliser un langage philosophique ou théologique, scientifique, technique, ésotérique, poétique ou oriental, etc. L’anthroposophie peut aussi s’exprimer sous des formes artistiques ou pratiques, dans la manière de prendre des décisions, soigner des animaux ou gérer une entreprise avec créativité. Il n’y pas de représentation figée, mais une multitude de modes d’expression possibles à partir de cette démarche.
Lorsque des idées issues de traditions spirituelles sont étudiées, comme l’idée de karma, de réincarnation, de corps éthérique ou de corps astral, il ne peut être question de notions dogmatiques ou de croyances. L’important est toujours de mettre en œuvre des pensées et des perspectives qui permettent d’approfondir des dimensions de la vie. Il importe avant tout de comprendre une idée, jamais d’y croire. Si par exemple l’idée de l’« ange » est évoquée, on se demande d’abord ce que signifie cette idée et quelle réalité elle semble recouvrir. Il ne s'agit pas d’y croire ou de ne pas y croire. Le mot « ange » lui-même pourrait être remplacé par un autre mot d’une autre tradition qui exprimerait la même chose. Ainsi, cette démarche nécessite de ne pas s’en tenir au mot, mais, à travers le mot, de découvrir l’idée, de mettre cette idée en mouvement et la ressentir. Ensuite, à travers l’idée, on découvrira peut-être une certaine qualité, une certaine présence dont on pourra faire l’expérience comme d'un être. Pensons aux idées de liberté, de justice, d'amour, d’être ou de destinée qui ouvrent des champs de réalité bien plus vastes qu'un simple concept abstrait. Sur ce chemin de recherche basé sur une pensée dynamique, le champ d’exploration est infini.
L’anthroposophie s’inscrit dans la longue tradition philosophique de Platon, Aristote, des néoplatoniciens (Plotin, Denys l’Aréopagite) et du « réalisme » scolastique (Thomas d’Aquin), de l’idéaliste allemand (Hegel, Fichte) et de la Naturphilosophie (Schelling, Goethe, Novalis). Pour tous ces courants philosophiques les idées sont des réalités. L’idée d’une chose n’est pas juste un nom abstrait, mais une réalité spirituelle que l’on peut toucher par la pensée, approcher par la méditation et qui est directement liée à l’essence, à l’être de la chose. Il en découle que l’anthroposophie ne peut en aucun cas être réduite à un système d’idées fermé et figé, puisqu’elle s’intéresse au monde des idées dans son ensemble et n’en rejette aucune.
Bibliographie
Platon & Dixsaut M., Phédon, Paris, Flammarion, 1991.
Steiner, Rudolf. Morale et liberté textes sur l’éthique, 1886-1900. Triades, 2005.
Steiner R., Les énigmes de la philosophie présentées dans les grandes lignes de son histoire, Genève, Éditions anthroposophiques romandes, 1991.
von Plato B. & Defèche L., Le Courage de la liberté, Vivre l'anthroposophie aujourd'hui, Laboissière-en-Thelle, Triades, 2012.
d'Hondt J., « Idéalisme allemand », in Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 1er mai 2020 : http://www.universalis.fr/encyclopedie/idealisme-allemand/
Jolivet J., « Universaux, philosophie », in Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 1er mai 2020 : http://www.universalis.fr/encyclopedie/universaux-philosophie/