Société anthroposophique en France

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Vérités et contre-vérités sur l’anthroposophie

Les vagues de propos malveillants envers l’anthroposophie se succèdent dans certains journaux et plus encore sur les réseaux sociaux. Leur rhétorique prétend révéler ce qui serait caché dans l’anthroposophie, ses conceptions, son histoire, ses réalisations. Là où une critique objective serait bienvenue, on trouve la manipulation. Afin de nourrir les confusions, les faits réels sont falsifiés et détournés de leurs contextes.

Nous avions déjà formulé des mises au point dans le communiqué émis le 8 octobre 2018. Néanmoins, l’article du Monde Diplomatique de 2018 est toujours utilisé comme un réservoir d’arguments malgré les déformations et erreurs qu’il contient. Les responsables de la Société anthroposophique veulent réaffirmer ces éclaircissements.

De qui ou de quoi parle-t-on ?

« Anthroposophie » désigne une méthode de recherche qui veut s’impliquer dans les questions essentielles concernant l’humain et ses interrelations avec le monde, en prenant en compte les dimensions matérielles, psychiques et spirituelles. Elle ne constitue pas un dogme mais une méthode, un courant de pensée qui prend sa source dans la Naturphilosophie. Il est inapproprié de parler de l’anthroposophie comme d’une personne morale, comme si elle avait des opinions ou des intentions militantes ou programmatiques. Elle veut favoriser les questionnements, et comme dans toute philosophie ou anthropologie, on trouvera des désaccords inhérents aux recherches.

La Société anthroposophique, quant à elle, est une personne morale. Toutefois, elle ne défend, elle non plus, aucune idéologie, aucune doctrine et aucun dogme ; elle promeut l’échange, l’étude et la réflexion individuelle. Le principe premier de la Société anthroposophique est la liberté de la vie culturelle et spirituelle. Elle ne peut se porter représentante, garante ou responsable des interprétations ou agissements des entreprises, associations, personnes physiques ou morales qui déclarent se référer à l’anthroposophie.

Croyances, pseudo-science, déformations…

Il est d’usage, dans ces articles critiquant l’anthroposophie, de lire des propos étranges attribués à Steiner. En l’état, toute personne sensée ne pourrait évidemment considérer ces déclarations choquantes comme recevables. Or, la manipulation de ces citations est contestable : ce sont généralement des reformulations simplistes empruntées sans examen à l’article du monde Diplomatique de 2018, de propos originaux mais extraits de leur contexte et tout simplement fallacieux et caricaturés.

L’anthroposophie serait « vent debout contre les vaccins ». Cette assertion contredit radicalement les déclarations de la Fédération internationale des sociétés médicales anthroposophiques et la Section médicale au Goetheanum, qui déclaraient dès le 6 juin 2019, que la médecine anthroposophique ne préconise pas une position antivaccins et ne soutient pas les mouvements qui s’en réclament. Répétons que, de manière générale, l’anthroposophie n'est pas un dogme et n’a pas à se prononcer pour ou contre telle ou telle chose, si ce n’est pour le libre arbitre.

Il est souvent affirmé que Steiner, tout comme le feraient aveuglément ses adeptes, se fondait sur son intuition et ses « visions » plutôt que sur la science. C’est inexact. Steiner, lui-même de formation scientifique, a rendu attentif à son époque à un développement unilatéral de la science dont nous commençons aujourd’hui à mesurer les conséquences, il n’en reniait aucun acquis. Sa proposition était au contraire d’élargir la démarche scientifique au-delà du matérialisme, pour l’approfondir et la compléter par le renforcement de la conscience morale et intuitive propre à l’être humain. La méthodologie de l’anthroposophie peut être étudiée et pratiquée par tout un chacun. De nombreux ouvrages en exposent les principes : le livre de Peter Heusser, « Les bases scientifiques de l’anthroposophie », est une référence récente sur le sujet.

En référence à ses bases scientifiques, l’anthroposophie se comprend comme une démarche de recherche. Elle ne propose pas un système de croyances, mais elle veut étudier et comprendre les phénomènes du monde, l’histoire des idées et des spiritualités, stimuler des réflexions et des idées nouvelles. Les propos de Rudolf Steiner ou d’autres anthroposophes ne sont pas compris comme un corpus de vérités absolues à adopter sans esprit critique. Chaque personne travaillant avec l’anthroposophie est appelée à développer un esprit critique et à multiplier ses sources autres que celles qualifiées d’anthroposophiques. Il est toutefois indéniable que certaines personnes adoptent les idées de Steiner (ou autre) comme des éléments de croyance. Cela relève de leur liberté et ne constitue pas en soi un délit. De son côté, la Société anthroposophique, ne considère pas l’anthroposophie comme un système de croyances, mais comme un moyen d’étude et de recherche. En conformité avec ses statuts, la Société anthroposophique réaffirme toujours son opposition envers toute forme de dogmatisme et de sectarisme.

Anthroposophie, nazisme et racisme

Il n’est pas rare que ces articles critiques accusent le mouvement anthroposophique d’avoir collaboré avec le nazisme. La Société anthroposophique en France a publié en juin 2021 une étude très documentée intitulée « Les Anthroposophes et leurs institutions en Allemagne au temps du régime nazi – 1933 – 1945 », menée par Uwe Werner, archiviste.

De cette étude, il ressort que dans le contexte pervers d’un régime totalitaire, il y a bien eu des rapprochements de certains anthroposophes aveuglés, séduits par le nazisme ; d’après les chiffres à disposition (45 personnes sur environ 8000), le taux de membres de la Société anthroposophique en Allemagne qui se sont affiliés aux organisations nationales-socialistes est de très loin inférieur au taux de la population globale allemande. La Société anthroposophique démontre ainsi que l’anthroposophie représente au contraire un frein face à ce genre d’idéologies mortifères. Précisions aussi que la Société anthroposophique n’est pas une organisation politique et qu’elle ne s’enquiert pas des positions politiques de ses membres. Cependant, elle défend explicitement la liberté culturelle, l’égalité juridique et la fraternité économique, valeurs qui s’opposent à toute forme de racisme et de totalitarisme. Nous savons aussi que certains membres du parti national-socialiste ont tenté de détourner les valeurs anthroposophiques, en particulier dans le domaine de l’agriculture, pour nourrir leur funeste idéologie. Nous déplorons que cela se soit déroulé avec la complaisance de certains responsables du mouvement agricole inspiré par l’anthroposophie, naïfs ou aveuglés par leurs ambitions. Il n’est pas question de fermer les yeux sur ces faits, ils doivent être pleinement reconnus. Il ne faut cependant pas oublier que la collaboration de grandes entreprises notoires, sans aucun lien avec l’anthroposophie et existant encore aujourd’hui, fut beaucoup plus massive. Il est donc injuste de focaliser sur le mouvement anthroposophique sans prendre en compte le contexte de l’époque.

Par ailleurs, malgré quelques tentatives malencontreuses de la part de certaines institutions du mouvement anthroposophique pour tenter de se camoufler et perdurer vis-à-vis du régime totalitaire, l’incompatibilité radicale entre la vision humaniste et libérale portée par l’anthroposophie et l’idéologie nazie a été très vite identifiée formellement par les autorités nazies elles-mêmes. Le décret de la Gestapo du 1er novembre 1935 interdira la Société anthroposophique sur le territoire allemand. Sur les écoles Waldorf, un rapport de l’administration nazie rédigé par Jakob Wilhelm Hauer en février 1935 conclut : « … la conception du monde anthroposophique à tout point de vue internationale et pacifique, est simplement inconciliable avec celle du national-socialisme. Cette dernière est basée sur le sang, la race, le peuple et l’Etat total. Ces deux piliers de la conception nationale-socialiste et du Troisième Reich sont reniés par la conception des anthroposophes. C’est pourquoi des écoles basées sur cette conception et conduites par des anthroposophes sont un danger pour une éducation allemande authentique. ». Le 12 mars 1936, le ministre de l’Éducation, Bernard Rust, signa l’interdiction des Ecoles Steiner-Waldorf sur le sol allemand.
Même si certaines institutions anthroposophiques ont tenté de se défendre, parfois maladroitement, pour subsister face à ces interdictions liberticides, les Sociétés anthroposophiques ont toujours refusé toute forme d’alliance avec les organisations nazies. Sur ce sujet, les articles critiques se réfèrent exclusivement aux thèses de Peter Staudenmaier dont la méthode est totalement partisane. L’étude citée de Uwe Werner démontre (annexe 3, page 63) les nombreuses et graves failles méthodologiques des travaux de Peter Staudenmaier, à seule fin de discréditer l’anthroposophie.

Racisme et antisémitisme sont fondamentalement incompatibles avec les conceptions anthroposophiques. Pour preuve, le développement d’initiatives anthroposophiques sur tous les continents et dans toutes les cultures avec le développement florissant des écoles Steiner dans des pays comme la Chine, Israël ou en Amérique latine. Nous devons aujourd’hui considérer comme racialistes ou racistes certains propos de Rudolf Steiner, marqués par le vocabulaire et les conceptions théosophiques de son époque. Une étude fait cependant ressortir qu’ils sont très minoritaires dans l’ensemble de son œuvre et n’en reflètent pas la pensée originale au centre de laquelle se trouvent l’esprit critique, l’empathie et l’humanisme.

Anthroposophie et esprit critique 

Nous déplorons les tentatives répétées et insistantes qui visent clairement à ostraciser l’anthroposophie. Dénuées de véracité, elles attisent des rumeurs en utilisant tous les moyens, même les plus fallacieux dans le seul but de nuire à la réputation de l’anthroposophie. Nous restons confiants envers les esprits soucieux d’objectivité, qui ne se laisseront pas duper car il existe de nombreux moyens pour constater le décalage énorme entre la réalité et ce que la presse diffuse. La critique est saine lorsqu’elle repose sur des faits authentiques et sur une analyse objective.

Nous dénonçons l’injustice d’une critique basée sur la déformation des faits, animée par une volonté de diaboliser et d’ostraciser les personnes qui œuvrent en toute humanité dans les innombrables initiatives d’inspiration anthroposophique.